Du 29 au 31 mai Charles DUBOULOZ et Julien IRILLI, sont allés répéter la voie " MADNESS" au Perthuis, ouverte par Daniel CHAUCHEFOIN et Gilbert OGIER dans l'été 1980, cette voie d'escalade libre et d'escalade artificielle est une référence en terme d'engagement ( côté ED+ 6a/b A 3 obligatoires avec Bivouac en falaise) mais c'est aussi un monument de l'escalade préalpine.
Les 2 annéciens étaient à l'époque des pointures en la matière, Gilbert OGIER champion de France d'escalade en site naturel, Daniel CHAUCHEFOIN, pionnier du ski extrême de haut-niveau (descente de la voie des Autrichiens aux Courtes en 1977, mais aussi un grimpeur et ouvreur de talent en escalade) , tout cela laisse donc présager que " MADNESS" serait loin d'être une promenade de déconfinement.
La falaise du Perthuis interesse peu les grimpeurs modernes, le rocher n'est souvent pas très bon, l'équipement en place est véstuste, et la marche d'approche un peu mode "sanglier" , pourtant l'ascension d'une voie dans cette falaise est un magnifique exercice de style en terrain d'aventure, de nombreux grands alpinistes y ont fait leurs armes voir plus.
Charles DUBOULOZ, nous parle de cette voie d'escalade, véritable pèlerinage dans l'histoire de l'escalade annécienne et plus encore.....
Madness, c’est quoi cette voie d’escalade ?
Madness est une voie d’escalade artificielle. C’est à dire que l’on grimpe en s’aidant des points (plus ou moins solides) que l’on installe lors de notre ascension. Cela peut être des pitons, des coinceurs, des crochets… C’est donc beaucoup de “bricolage” et il faut avoir les nerfs solides car parfois les points sur lesquels on se hisse sont très douteux. La durée des l’effort pour faire 30 mètres peut aller jusqu’à 3h/4h…
Ce n’est pas tout, il y a aussi de l’escalade libre pas facile où il est difficile de se protéger. Voilà pourquoi cette voie est considérée comme une sérieuse entreprise.
Peux-tu nous expliquer la genèse de ce projet ?
J’ai souvent entendu parler de cette voie. On me disait à juste titre qu’elle était difficile et qu’il fallait beaucoup de marge et d’envie pour s’y engager…
A la suite de la période de confinement j’ai eu envie de découvrir davantage les voies autour de la maison. Madness en faisait partie. Le créneau météo était au beau fixe, les journées très longues, et mon compagnon de cordée Julien Irilli était disponible. Tous les signaux étaient au vert pour aller se frotter à ce chantier.
Nous sommes chanceux de notre terrain de jeux. Il y a des voies pour débuter et d’autres plus difficiles, toujours dans le cadre idyllique du lac d’Annecy et des Aravis.
Comment avez vous préparé ce projet spécifiquement en terme d'entraînement ?
En passant beaucoup de temps à grimper en falaise ou en montagne. Pour ce genre de voie il est également important de savoir planter un piton de manière efficace (parfois il faut en mettre plus de 15 par longueur).
Il faut de la marge en escalade pour pouvoir passer la 3ème longueur qui est exposé et dans laquelle la chute n’est pas permise. C’est donc un cocktail montagne/escalade qu’il faut mixer pour partir “serein” dans une entreprise comme Madness.
Quel matériel avez-vous utilisé ?
Nous avons utilisé beaucoup de pitons, des coinceurs, des friends, un tamponnoir (pour pouvoir rajouter des goujons au relais lorsque c’était nécessaire) des longes, deux sacs de hissage, un réchaud JetBoil, du matériel de bivouac...
Il faut aussi prévoir de l’eau pour 3 jours soit plus de 15 litres à hisser à chaque longueur, un bonheur pour les biceps. Même si l’on utilise des techniques de mouflages, une fois la longueur terminée ce n’est pas complètement fini, il faut encore hisser les sacs.
Qu’est ce que différencie d'après vous votre ascension de celle des ouvreurs Daniel Chauchefoin et Gilbert Ogier en été 1980 ?
On est bien moins téméraire qu’eux à l’époque!!!
J’ai envie de discuter davantage avec l’un d’eux pour comprendre ce qu’il leur ai passé par la tête pour ouvrir cette ligne.
Elle est à l’endroit le plus raide de la falaise donc c’est attirant mais elle n’utilise pas que des lignes de fissures évidentes. Elle passe au milieu de dalles compactes ou il faut grimper! Je pense que Gilbert Ogier un des meilleurs grimpeurs de cette époque n’y ai pas pour rien. En toute honnêteté je pense que nous sommes moins efficaces qu’eux dans ce type de terrain. Nous passons beaucoup plus de temps en escalade sportive qu’à planter des pitons. Logiquement nous sommes moins rapide.
Et puis il y a aussi la notion d'engagement qui n’est pas à prendre à la légère pour les répétiteurs alors pour les ouvreurs…il y a un grain de folie :)
Quels sont les longueurs les plus belles ou les plus marquantes?
Forcément la 3ème longueur est marquante car elle est très engagée. La 5ème aura aussi bien sollicité nos nerfs avec des pas sur crochets aléatoires en dessus d’une vire.
Je garde quand meme un souvenir de la 1ère longueur car nous avons mis du temps à trouver un départ “correct”. Du fait de la qualité du rocher j’ai bien cru que nous allions prendre un but avant même de planter un piton.
Vas-tu y retourner ?
Non je ne pense pas...en tout cas je n’y vois pas trop d'intérêt. J’ai envie de faire d’autres voies historiques dans le Pertuis et pourquoi pas réfléchir à une ouverture.
Si c’était à refaire ?
Et bien ça serait avec plaisir. Bien qu’à 7 kilomètres à vol d’oiseau de la maison le voyage était intense et grandiose. C’est un vrai bonheur de vivre des aventures comme celle-la dans notre “jardin”.